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Humeurs

Grosse

Gros n’est pas un gros mot. Le livre de Daria Marx et Eva Perez-Bello participe, depuis sa parution, à mettre des mots sur les maux des personnes en surpoids, obèses. Et pourtant. Grosse, ce n’est pas un gros mot, mais c’est aussi et surtout, dans la bouche des petits comme des grands, une insulte, assénée avec tout le mépris possible.

Grosse, grasse, obèse, graisseuse.

J’ai toujours, du plus loin que je m’en souvienne, été rondouillarde, copieuse, voluptueuse… grosse en résumé. La petite grosse de la famille. Le vilain canard boiteux vs les cousines longilignes. Au lycée, je faisais un bon 42 et à l’époque, j’étais considérée, encore et toujours, comme la grosse de service. Que ne donnerais-je pas pour refaire un « bon 42 » aujourd’hui… Si j’avais su.

Cortisone à haute dose pour divers problèmes de santé non-identifiés alors et problèmes de thyroïde ont marqué mon enfance et mon adolescence, sans oublier les nombreux régimes qui ont eu un effet yoyo dévastateur. Hyper protéiné, Weight Watchers, barres, boissons de régimes, alimentation restreinte… J’ai presque tout essayé pour perdre mes kilos en trop. Ma mère écoutait religieusement les médecins qui me collaient des régimes, des régimes et encore des régimes. Elle s’en veut, mais elle n’avait pas conscience des dégâts causés. Nous sommes beaucoup à être passés par là.

J’ai mené ma petite vie, entre détestation de ma personne, de mon corps (que je ne peux toujours pas regarder en face) et insultes à l’école, au lycée, puis dans ma vie de jeune adulte. Roule-bouboule, la grosse, la grosse conne (l’intelligence est visiblement proportionnée à la taille des hanches), gras du bide, etc., etc. jusqu’en février 2003 où j’ai rencontré celui qui m’a plongé dans une profonde déprime.

Grosse, grasse, obèse, graisseuse. Quatre mots prononcés par un chirurgien à l’occasion d’une opération qui m’a sauvé la vie. Infâme petite personne qui m’a brisé en mille morceaux. Je n’ai toujours pas recollé toutes les pièces de mon puzzle encore aujourd’hui.

Vivre sa vie en étant grosse

J’ai pris une réelle ampleur depuis dix ans, avec une accélération ces cinq dernières années. Mes problèmes de santé s’accentuant, sans oublier la déprime latente, n’ont vraiment pas aidé. Je ne peux pas faire de sport comme tout le monde, mes genoux sont, eux-aussi, brisés – au sens propre – ce qui limite les disciplines accessibles (même l’aquabiking m’est désormais interdit) et je suis fatiguée en permanence, si fatiguée (merci mon Syndrome d’Ehlers-Danlos)…

Depuis un an et le confinement, j’ai atteint un poids stratosphérique. Je fais une taille de vêtements épique et fatalement, je rencontre des difficultés à m’habiller comme j’aimerais pouvoir le faire. Et pourtant, très paradoxalement, je gère, sans vraiment gérer. Je ne me supporte pas, mais j’admire les « grosses » qui s’assument. D’ailleurs, elles ne s’assument pas, elles acceptent simplement ce qu’elles sont et comment elles le sont.

Je n’en suis pas encore là. Me regarder dans un miroir est impossible et j’ai une vraie tendance à m’auto-rabaisser, c’est assez fou. Mais quelque part, j’ai aussi l’impression que lorsque j’arriverai à m’accepter telle que je suis, en me fichant royalement du regard « des autres », cela débloquera quelque chose en moi.

Je suis grosse, et c’est comme ça

Grossophobie : ensemble des attitudes hostiles et discriminantes à l’égard des personnes en surpoids. Je l’ai subi, surtout dans ma recherche d’emploi. Avant d’atterrir dans la société où je suis actuellement, j’ai passé moultes entretiens et là, je l’ai senti passer. J’en ai déjà parlé ici et ailleurs, mais la grossophobie n’est pas un fantasme ou une lubie de certaines personnes. Elle existe et elle appuie là où ça fait très mal, les séquelles restent présentes en termes de confiance en soi.

Et pourtant…

Je suis grosse et je n’assume pas. Je suis grosse et je voudrais tellement réussir à assumer. À m’en foutre. À passer outre. Je suis grosse et je suis vivante, présente. Je suis grosse, ne m’en voulez pas, respectez-moi. Je suis grosse, je suis humaine, même si cela vous gêne. Je suis grosse, mais j’ai tellement de choses à offrir. Je suis grosse, et c’est comme ça.

PS : pour la 1ère fois, je vous propose ci-dessous la version audio de ce billet. Soyez indulgents, tout est faire : le nom, le son, le script… Mais les bases sont là ! J’espère que cela vous plaira.

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Bulles de Flo, c'est le résultat de mes coups de cœur lifestyle du moment : culture (livres, cinéma, etc.), décoration, balades... Bienvenue chez moi !

1 Comment

  • La Parisienne du Nord
    mars 5, 2021 at 6:50 pm

    Moi, je ne te vois pas comme une personne grosse mais comme une personne…tout court. Tu es une personne à l’écoute, drôle, curieuse. J’aime partager des moments avec toi, des visites, des goûters. Tu es une belle personne et je suis contente de te compter parmi mes amis. Et j’espère qu’un jour, tu accepteras ton reflet pour pouvoir aller de l’avant et ne plus en souffrir. 💙💙💙

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